Exspectatio (1er volet) : installation tableaux-vidéo triptyque

3 écrans plats Lcd 4/3,
promenade en filmé-monté (34') découpée en trois moments :


1er écran :
6'15


- Titre 24"
- Chardon 2'26
- Feuille rouge 1'44
- Herbes I-II-III ; puis noir (23'45).


2cd écran :
13'17


- Panorama des chaumes 1'47
- Flaque bleu-noir 1'52
- Travelling à pied du tunnel en sous-bois 3'36 ; puis noir (20'27).




3ème écran :
21'04

- Mûres 0'39
- Mûrier à la toile d'araignée 6'12
- Panorama aux ballots de paille 4'03
- Mûrier 1'53
- Mûres floues 4'31
- Mûres noires lueur 2'33
- Copyright & noir 30"

Échange avec Marc Mercier des Instants Vidéo (Marseille)

16 avril 2009 :

Bonjour cher Marc,

Je vois dans le catalogue en ligne des Instants Vidéo
que tu as répertorié 4 de mes titres, sur support DVD.
4 titres que tu avais programmés.

Est-ce que tu avais bien reçu
le boîtier double DVD
du trityque de vidéographies "EXSPECTATIO"
que je t'avais envoyés début 2008 ?

- Exspectatio 34' http://treuilsanexsp.blogspot.com/2007/09/exspectatio.html
- Consolatio 45' http://treuilsanexsp.blogspot.com/2007/09/relatio.html
- Relatio 15' http://treuilsanexsp.blogspot.com/2007/09/relatio_26.html

Les avais-tu visionnés ?
Je sais que ces vidéos sont longues pour une programmation "classique" en vidéo.
Mais ne s'agit-il pas, pour l'artiste, d'expérimenter & de "bousculer"
notre perception de la durée ?

à bon regardeur,
merci Marc

Sandrine
t'embrasse.
----------------

Bonjour Sandrine,

Oui, en effet sont répertoriées les œuvres que nous avons diffusées… J'ai bien reçu Exspectatio en 2008. Je les ai vues bien sûr comme tout ce que je reçois. Mais je ne peux pas tout programmer, même parmi les œuvres qui ont retenu mon attention… Et je trouve tout à fait louable ta démarche de perturber, bousculer la perception du temps. Nous présentons aussi des œuvres longues, même si effectivement c'est parfois complexe de leur trouver une place juste, pertinente… Mais que puis-je te dire de plus à ce sujet ? Mon rêve serait de pouvoir disposer d'un espace de projection à l'année pour pouvoir explorer avec des publics tout ce qui m'intéresse. Un jour viendra…
Bon, j'espère que tu vas bien, nous on est en pleine préparation du festival que nous créons en Palestine, et tu imagines bien combien les enjeux poétiques et politiques sont immenses… d'où, beaucoup beaucoup d'angoisse… et de joie…

je t'embrasse
Marc

JE PENSE TOUJOURS À LA PEINTURE QUAND JE FILME

Ajout du ve.18 janvier 2008






À la lecture de l’article de Jean-Claude Lebenszteijn « FLORILÈGE DE LA NONCHALANCE » in le n° 473 (année 1986) de la revue CRITIQUE (pp. 1025- 1052) je reprends les citations qu’il fait, à propos de la SPREZZATURA, celles-ci me faisant penser à mon attitude de filmeuse pour EXSPECTATIO. Voici :



« Si tu les examines bien, tu trouveras là-dedans des inventions très-merveilleuses… compositions de batailles d’hommes et d’animaux, ou diverses compositions de paysages et de choses monstrueuses, diables et choses du même genre.» [Léonard de Vinci, « Traité de la peinture », éd ; McMahon, t. II, f. 35v.] Là, je pense à la flaque d’eau noire, les reflets du ciel dedans et à la manière du passage de mon regard au travers de la caméra sur ce micro-paysage — le FILMAGE est cette « manière du passage de mon regard au travers de la caméra », celle-ci étant mon pinceau.
J. Cl. Lebenszteijn, dans le paragraphe ÉBAUCHES énonce ceci (p. 1033) : « Spirituel dans le texte de Roger de Piles, veut dire vif, animé. (…) L’esprit de la touche, c’est son feu, comme on disait aussi, un certain frétillement, par exemple, qui chez de Piles agite les feuilles des arbres : « Il faut que les arbres en soient differens de forme, de couleur, & de touche, autant que la prudence & la variété de la Nature le requièrent, & que cette touche soit toujours légère & fretillante, pour parler ainsi : » [Roger de piles, « L’Idée du peintre parfait », « Abrégé de la vie des Peintres » (1699), p. 5-6.] Là, je pense au frétillement de l’image vidéographiée que j’ai découvert pour la première fois avec « Sylvain des sources » (mars 2007), lors du long plan séquence de l’eau orangée de l’étang, le branchage, & le son des cloches de midi auxquels j'ai ajouté la voix énonçant la liste des titres de livres de Pascal Quignard.
« Le langage de la SPREZZATURA est toujours pour ainsi parler ; frétillant, pas très fixé : le métaphorique y emporte un élément de surprise. La vraie peinture, pour Roger de Piles, a ce caractère : elle surprend et retient le spectateur comme malgré lui, irrésistiblement. « La veritable Peinture est donc celle qui nous appelle (pour ainsi dire) en nous surprenant : & ce n’est que par la force de l’effet qu’elle produit, que nous ne pouvons nous empêcher d’en approcher comme si elle avoit quelque chose à nous dire. » [Roger de Piles, « Cours de Peinture par principes », p.4.]
C’est ce pour quoi je filme, je me vois en grande (merveilleuse) correspondance avec ces mots.

Présentation du triptyque "Exspectatio"

Quand j'ai lu ce passage ci-dessous recopié,
je me suis dit, c'est incroyable
c'est comme je filme.

Extrait de « Le problème de l’ "exspectation" »
in « L’être du balbutiement – Essai sur Sacher-Masoch »
de Pascal Quignard, Mercure de France, 1969 :







« L’attente creuse vers le fond, en tant que le surgir de la mort. C’est ce à quoi elle se suspend, ce sur quoi l’être se distribue comme être, paramètre absent de ses fonctions, ce à partir de quoi le langage parle, ce à quoi il tâche de se soustraire, ce dont le langage se défend mais qui constitutivement le traverse puisque inauguralement le presse, le hâte : la mort. — La métaphysique classique a particulièrement dénié cet être de la suspension. D’ailleurs, non pas indifféremment. D’une part elle l’a dénié dans la mesure d’une dénégation, excluant et affirmant son rapport à la mort, sa tentative de soustraction à la violence, au dehors, au pire. De l’autre, par cet écart, elle est parvenue à le recouvrir, à dissimuler, à altérer cette altérité même, qui pourtant en sa parole était ce qui était le plus pressant. Ainsi la langue n’y supplée que par l’emprunt anglo-saxon, plus indicatif qu’expressif, de « suspens ».
Le terme n’est peut-être pas le plus utilisable. Nous lui préférons (en partie malgré la vection du « regard », du descriptivisme, en partie parce que, courbant ce terme, Augustin a pu axer la métaphysique définitivement sur la présence, faisant de ce terme un projet, et du projet une modalité de celle-ci, en partie parce que du même coup c’est peut-être une subversion à son niveau de la série et de la coloration métaphysique qui investit l’être comme monde en spectacle, en théorie), le terme latin d’"exspectatio".


L’exspectation » s’inscrit dans le Voir. Mais d’une manière privilégiée. Ni visible, ni horizon, ni écho, c’est ce qui saute du regard. Mais pas le fond en quoi s’adresseraient les formes, les images, les étendues ; non pas le telos à quoi il serait re-gardé, souvenant la visée elle-même ; non pas l’invisible, l’énigme ou l’incertain. L’exspectation ne suspend pas non plus comme l’on met de côté. Elle est ce qui est hors, ce qui excède, et non le contraire, l’opposé, ni l’autre. Elle ne définit même pas l’angoisse, émiettant ses coordonnées métaphysiques. Il n’y a pas d’ad-spect en ce regard, pas de classe où ranger, de synthèse où colliger, de genre où subsumer. Rien ne s’y soupçonne, ne s’y suspecte. Rien qui y plonge, qui y sonde, inspection, introspection. Il n’articule ni infini où se projeter, ni totalité où s’égaler, s’identifier, renvoyer et être traversé de clairvoyance, de per-spicacité. L’exspectation est dans le hors même où elle déplace et se suspend en ce vide différé. Et ce n’est pas indifférent, que le « suspens » provienne, se soit nécessité du fait de l’irruption du cinéma. C’est dans cette nouveauté d’une temporalité de l’image, plus : d’une temporalité-image, d’une kinésis des différences, que naquit cette exigence linguistique, que la langue ne permettait pas. D’où il ne faut pas se fier à cette traduction de l’expectative comme un manque qui se creuse et se suspendrait vers son assouvissement, comme un besoin. Ni comme un désir. Cette attente n’est pas rétention impossible d’un passé qui s’esquive ; elle n’est pas protension à un avenir incertain, à un flou qui ne parviendrait pas à se constituer ; elle n’est pas l’impatience de tel temps sans passé passé, de tel temps sans avenir avenant ; elle n’est pas détention d’un sens indéfini, pas plus que traversée d’un désir, d’un rapport à un non-totalisable creusant une altération que rien ne saurait combler. L’ex-spectatio, dans l’ex-speculum de nul miroir où se rassembler et se poursuivre, dans l’ex-spectaculum de nul Visible où s’ordonner et devenir monde, définit une structure plus complexe. Le « ex » qui l’inaugure rejette paradoxalement la pure visibilité de l’être, mais aussi, dans ce non-rapport visible / invisible, exclut le pur néant. Il semblerait que la mort y creuse, mais ni selon l’être, ni selon le néant.


Les textes de Masoch y avaient conduit à partir de l’attente, dans la corrélation de la mort et du possible. Or cette notion est centrale. L’exspectation entretient un rapport étonnant. La structure du doute éclaire l’exspectation, ce paradoxe d’un délai qui presse, d’une oppression absente. La racine du doute c’est le double. Le dubius, c’est moins l’incertain, l’indécis, le craintif, l’hésitant, que le balancement du double. La dubietas est dualitas. C’est ce qui ne se dit pas univoquement, qui n’a pas pour fond l’univocité de l’être. C’est non pas ce qui se dit à double sens, l’équivoque, c’est ce qui n’a pas de sens. Alors la dubietas reconvoque la relation à la possibilité, qui précisément ne se dit pas univoquement, et dont la nudité est mort. Et du même coup, dans le monde du Visible, peut surgir ce mode étrange de l’ex-spectatio, puissance non-ontologique, non-puissance, surgir de la mort, balancement double au cœur de l’Ouvert, de la séparation où se subordonnent mondes et langages. »


Notes du ve. 23 novembre 2007
Pause de 16h, Musée National d'Art Moderne GP

« L'expérience de lecture de Saint Augustin,
de Jacques de Voragine,
celle d'une promenade
dans la nature, sur un chemin ("Exspectatio")
ou la lecture d'un lieu ("Consolatio"), comme le sens de déambulation dans une église
et la lecture des vitraux ("Relatio")
les expériences de lecture se déroulent
dans la durée
ce sont des cheminements, des tâtonnements,
où beaucoup de choses passent
sans qu'il se passe nécessairement quelque chose.
L'événement marquant est en suspens
attendu
je suis dans l'exspectatio.
Mais quelque chose peut ad-venir,
passer
se passer. »

RELATIO

Dernier volet
15 min _nov. 2007 - janv.2008
coul. _mini dv








Déambulation dans l’église de Saint-Bris-le-Vineux (Yonne):
Lecture des vitraux Renaissance (ca. 1515).
L’ardeur des enfants pendant la récréation réinjecte la dimension affective dans ces verrières historiées.
Le vacarme porte la violence sous-tendue dans les images.
Jeu des relations entre les personnages, leurs regards et postures.


Di. 23 septembre 2007
Notes

« « Relatio » est le titre naturel suivant les deux autres :
« Exspectatio », « Consolatio » pour former la série en triptyque.
Je n’avais d’abord pas le contenu de ce troisième volet, du moins
le désir de filmer les vitraux de Saint Bris existait déjà, depuis le 29 août que je les avais vus, qu’ils m’avaient prise. Mais ce désir
de les filmer ne se superposait pas encore à ce troisième volet titré, mais vacant, en attente de son contenu. Ainsi, la lecture des vitraux : se mesurer aux vitraux, à la légende des saints, lire ces images traversées de lumière.
Les deux premiers volets étaient : lire la lumière sur la nature,
sur les micro-paysages traversés par de petits événements sensibles dans une hyper-perception.
Se mesurer à de petites choses.
Les vitraux dans l’église du XIIIème siècle consacrée à Saint Côt
et Saint Prix, à Saint-Bris-le-Vineux (Yonne, Auxerrois), me placent
dans une relation d’intimité à l’image que l’on n’a pas dans les ca-
thédrales, par exemple. Je ne suis pas écrasée par les baies vitrées découpées et colorées. La pierre est claire, l’architecture fine du go-
thique, une église pleine de grâce. Les couleurs elles-mêmes des verres dans les jaunes, les rouges, peu de bleus, dans une grande clarté me laissent respirer et m’inspirent. Ils m’inspirent le silence, me subordonnent doucement à regarder comme on se recueille.
Ce n’est pas un spectacle que je regarde. Je participe à la lecture,
je lis comme une prière en murmures. Je ne récite pas un dogme, j’apprends à lire ce qui m’est donné à voir. Il y a quelque chose qui me bouscule dans cette lecture, peut-être va jusqu’à me bouleverser. C’est comme cela, dans l’expérience de lire, de découvrir (retirer
le voile : révélatio : filmer c’est retirer le voile. Le film à la surface des choses, le lire) que j’envisage cette « relatio ». Il se passe quelque chose avec. Au sein du lien, dans le lieu où je lis quelque chose advient dans ma lecture. Délier, dé-lire. Délire.

Il y a aussi une ex-citation à filmer / lire. Mesurer cette excitation dont la lumière est le véhicule. Lui donner une dimension sensible. »




Ve. 12 octobre 2007
Notes

« Hier, j’étais à Saint Bris
et ai filmé les vitraux.
J’ai d’abord été déstabilisée, mal à l’aise car
la lecture est loin d’être linéaire, il n’y a pas l’unicité narrative comme l’ensemble des vitraux consacrés à l’épopée de Jeanne d’Arc à Orléans.
Valérie m’a expliqué le sens de déambulation dans l’église ;
la présence d’une source souterraine non loin des fonts baptismaux.
J’ai filmé longtemps et tout ce temps (plus d’une heure) ai douté.
Je me suis trouvée en défaut. Je n’ai pas senti d’événement particulier venir briser ma lecture somme toute monotone. Sans surprise. Sans cesse l’incertitude. Une forme d’absence de foi, d’apathie. La sensation de ne pas parvenir à être présente au geste de filmer, au regard, au voir. Un peu somnambule et sans désir, plus errante que jamais mais hors exspectatio. Je ne voyais rien venir sans attendre rien. J’ai le sentiment d’avoir usé mon regard, dépensé mon énergie à perte. Ma faible énergie comme déjà presque tarie. Lire mécaniquement sans mémoriser, absente à la lecture. J’ai trop filmé, trop longuement.
Ce ne sera donc pas un doublon de « Jehanne mise en abîme ».
« Relatio » interroge l’absence, le lien, s’il existe. La foi. Si elle a lieu.




Ce volet est le désenchantement du triptyque.
Bien qu’il s’agisse de vitraux, de lumière et de couleurs, le filmage me semble désenchanté. J’en suis la première déçue.
Est-ce qu’un montage sera en mesure de revigorer la lecture, de remédier à la carence ?
Peut-être la caméra a-t-elle enregistré malgré moi, sans que je l’ai vu dans le temps présent à la lecture, un événement, un événement même répété qu’il me faudrait découvrir après m’être reposée de regard et d’esprit. Laisser travailler en moi l’expérience d’hier qui me semble râtée, non avenue.
Quelque chose pourra encore advenir, peut-être, issir de la matière des images enregistrées.
Il y aura donc un montage.
Je regarde en face l’insatisfaisant. Tailler dedans, extraire. Quand la force drainera à nouveau ma volonté. Taire des passages. Peut-être donner son temps au taire, le matérialiser. Annuler du voir, le sertir dans des silences. De « relatio » à « silence ».
Ainsi il y aura des noirs, des plages de noir.
Comme des moments libres d’images. Des espaces où laisser retentir la pensée rêvée, rêvante.
Des images dans le cosmos.
Un film n’est justement pas le bourrage d’images dans le crâne. L’outrecuidance, la démesure, l’usage des images comme d’un pouvoir autoritaire, totalitaire. Non pas.
Mesurer.
Revenir à la mesure du regard, au temps qui s’installe, à la respiration entre les séquences, au rythme, à la souplesse. Laisser passer la lumière en ménageant des noirs.
Isoler des fragments dans le noir.
Et pour ce faire, casser la lecture d’hier, mon filmage, le briser.
Que les éclats des vitraux constellent la matière noire du regard. »




Notes entre les 25 nov. & 1er déc. 2007 :

« Dimanche 25 novembre ai réalisé le montage de « Relatio ».
J'ai finalement axé mon choix sur les vitraux consacrés à Saint-Philibert et à Sainte Rayne, réalisés vers 1515, Chapelle sud.





Je pense parvenir à réenchanter ce volet du triptyque par
la rumeur des enfants de l’autre côté des verrières.







Les cris. Les rires. Les pleurs ravalés.
La rencontre de cette explosion de vie dans une cour d’école invisible, avec les couleurs,
les violences racontées par des images qui nous paraissent aujourd’hui enfantines.
La force rouge qui tue.
Les corps couchés. La torture.
La mise à mort par décapitation. La lecture.
Le jeu des relations entre les personnages, leurs regards.

Le triangle des regards,
du souverain et de son cheval sur Ste Rayne. Elle, le regard posé sur le livre sacré. Elle lit, entourée de ses moutons dont un, comme un chiot se dresse sur ses pattes arrière et pose
ses pattes avant sur la cuisse de
sa maîtresse, sans parvenir à la distraire de sa lecture. Rayne reste imperturbable. Le regard du cheval, très doux envers
la demoiselle Rayne, est le médiateur du désir du seigneur
qui le chevauche.

Les verrières historiées parlent de violences.
Aussi bien celle du désir que celle du refus. De la révélation et de la résistance.
Des liens qui se font et se défont.






L’ardeur des enfants pendant la récréation réinjecte la dimension affective dans les images des vitraux. Le vacarme soutient la violence sous-tendue dans les images.





Le mouvement de la caméra la restitue, en donne une interprétation, la déloge de la légende-historiette. Le filmage et le son réinjectent sensiblement le sens original des vitraux qui était de représenter les relations mystiques et humaines.
Un filmage affectif.
« Je filme avec mon corps » veut dire que j’interviens avec mes affects. Corps intermédiaire de la filmeuse, médiateur, véhicule de l’affect. C’est le « transport » que je défends.




Pour Ste Rayne lire la Bible est un choix, un acte politique. Comme elle refuse d’exaucer les avances du souverain de se soumettre à son désir, elle est torturée et mise à mort. Mais rien ne la distrait de son choix spirituel.
Elle pourrait lire « Le miroir des âmes simples & anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'Amour » (imprimé en 1290) de Marguerite Porete qui fut brûlée en 1310 par l'Inquisition suite à ses écrits mystiques.





Avec une pensée particulière
à Saint Augustin,
Jacques de Voragine
& Pascal Quignard. »
S.T.





Merci à Francis Azémard, Bernard Béraud,
Valérie Châtelin
& le Curé Jean-Marie Rigollet.


Notes du 5 janv. 2008 :

« Aujourd’hui, ai coupé le son du plan de la première entrée dans l’église. Le son suspendu. Cette introduction dans le lieu en silence rappelle l’univers du rêve. L’artificialité, la fabrication de l’image vue en rêve. La dramatique porte davantage, accentuant le parcours dans le lieu. Sa découverte tendue dans le geste du filmage, dans la marche rythmant le filmage. Un rêve : un souvenir d’images insonores.
Puis le film semble flotter encore au commencement de la lecture des vitraux. Et à un moment, grâce au son des rires des enfants, mais pas seulement, le film « prend », fascine. J’ignore à quoi tient cela. La répétition de la lecture, sa reprise, tout aussi bien la réécriture d'une phrase sous divers angles, dans des approches variées, par glissement — comme en musique répétitive —, tâtonnements, expérimentations, doit participer de cette prise progressive du regard — et de l'ouïe ; là, le mot « regard » correspond au concept englobant de la perception particulière au cinéma : être dans le bain du film.
Ce dernier volet met aussi en scène le suspens, l’exspectatio. D’une autre manière : passant du lieu à l’image bidimensionnelle. Celle-ci garde en elle le souvenir de la perception d'un lieu, impressionnée par l'ambiance sonore qui se dégage depuis l'autre côté des verrières. »

Extrait de la lettre à Pascal Q. écrite le 29 août 2007 à Noyers-sur-Serein

« J’étais à Saint-Bris-le-Vineux today, Anne a conduit, nous sommes allées chercher et goûter des vins à Irancy puis Saint-Bris. Là, nous sommes restée longuement à contempler l’église merveilleuse avec ses vitraux proches de nos corps. Des grisailles, 4 baies de grisailles, Je n’en n’avais jamais vu je crois. J’ai vu l’orgue et même entendu, vous savez sûrement, un des dix particuliers en France, le facteur était là, il jouait fortement. Et vu le soufflet à bras ancien d’un autre orgue. Ce sont les vitraux qui m’ont retenue, j’aurais pu rester encore longtemps, c’est toujours trop court. Je me suis fait lire le vitrail de saint Philibert et de sainte Rayne par la gardienne de cette merveilleuse église. Elle m’a lu les lancettes, j’ai compris la force représentée en rouge comme une explosion qui tua les moines malveillants. Sainte Rayne était très belle et se refusant à un seigneur (gouverneur) païen celui-ci la martyrisa, lui arrachant les ongles à l’aide de pinces, entre autre, et la brûler, les seins nus, avec des torches. Comme elle ne trépassait toujours pas, lui coupèrent la tête, et son âme élevée entre deux colombes sous la forme d’une figurine féminine, une petite bonne femme nue, la tête à terre, le corps vêtu d’une robe rouge. J’ai reconnu que saint Philibert empruntait à Saint-Benoît son histoire. Et à Sainte-Lucie cette Sainte Rayne, d’après ce que j’ai lu de Voragine. Finalement, je m’en souviens, en suis toute étonnée. Ces vitraux à Saint-Bris, l’église dédiée à Saint Cot et à saint Pris (dont les reliques de Saint Cot sont présentées, comme j’ai souri et ri, j’adore voir ces morceaux d’os dans leur mini-châsse en verre, le velours, la poussière, le petite vitre, et ces os réels, quoi ? je devinai une articulation, comme un morceau de clavicule ou alors un morceau de bassin ou l’os du fémur s’articulait. Et le tombeau de ce saint Cot qu’il ne fallait pas toucher, prière, et dont ce cercueil original avait le flanc éventré…). Il y avait aussi la fresque de l’arbre de Jessé sur un pan de mur traversant le chœur. C’était un peu humide, la surface de la fresque, encore fraîche, toujours fraîche. Mais je suis revenue aux vitraux, j’étais intriguée par la narration, intéressée à percer le mode de lecture, à découvrir de quel Saint, par quel attribut le reconnaître. J’aurais aimé avoir des jumelles et étudier vraiment, fondre mon regard entre les plombs, voir le dessin des grisailles. J’étais dans l’enfance. J’aime ce côté balbutiant de l’art, ces trouvailles inventives dans la manière de « découper » les corps pour assembler les petits bouts de vitre peints pour que la lumière frappe. La plasticité de cet art, le glissement impromptu et si frais dans le chois des formes pour le puzzle. Je regrette de n’y pas être encore, de ne pas y retourner pour approfondir et percer d’autres secrets plastiques qui révèlent une manière de pensée qui me touche profondément. J’aurais aimé comprendre comment, par quel biais…
En sortant de l’église, de la fenêtre d’une maison donnant sur elle, quelqu’un nous a interpelées du premier étage, c’était un transsexuel , un home vivant, étant comme une femme nous disant « mes belles dames elle est belle l’église, hein, » en secouant un chiffon. En arrivant, avant d’entrer dans l’église, j’avais remarqué au rez-de-chaussée de cette maison le son hyper-fort d’une télévision.
Ce qu’on doit s’emmerder, tout de même, ai-je pensé… Il avait l’air nerveux à sa fenêtre. En fait, sa maison est habitée par cette nervosité anxieuse. À côté de l’église si en paix, elle contraste. Si j’avais été seule, j’aurais écouté parler ce transsexuel à la fenêtre. Je l’aurais laissé développer devant moi son hyper-expressivité. J’aurais dit oui, c’est une église merveilleuse que vous avez pour voisine. Peut-être qu’on aurait parlé des vitraux et qu’il/elle serait descendue pour les revoir ensemble. »

CONSOLATIO

Second volet
45 min. _nov 2007
coul. _mini-dv






L'image se cherche elle-même. Caméra à la main, débusquer les grâces de l'optique cachées dans le lieu. Les bruits, les lumières, les eaux, la durée s'ajustent au fur & à mesure des métamorphoses.me, je la montre se cherchant. Elle se trouve. De petits chaos en révélation photographique.










LETTRE à Pascal Q. :
« Noyers, la Baignade, je. 16 août 2007
13h40

Bien cher Pascal,

Je suis dans un effroyable repli. Suis lente et ne
veux plus agir que lentement. Je ne désire plus parler et
soliloque à l’intérieur. Je sens le revers de mon visage,
sombre, et qui ne se voit pas.
Mes cheveux forment un filtre dans le vent, un voile
répondant aux arbres sur l’autre berge, ceux de la
couleur de l’orage. À cette heure l’angle entre
eau et berge est noir. Ce serait le moment pour
le filmer, lire la phrase dans le courant opposé
au Serein.
Hier matin, j’ai porté son petit déjeuner au lit
à Madame de Noirmont qui désirait se rendre
à la messe de 9h30. Ses longs cheveux blancs détachés,
sa poitrine maigre, ses épaules squelettiques dans
la chemise devenue grande. Elle était ravie d’être
ainsi réveillée. Elle m’a demandé à son réveil,
alors, si j’avais déjà accompagné des gens à mourir.
Et quelque chose comme, abruptement : « Qu’est-ce
que vous pensez de la mort ? » J’étais ébahie
par la violence matinale de cette question. Je ne
sais plus ce que j’ai répondu, au juste, que j’avais songé
au suicide, que vivre s’est s’acheminer vers elle,
en faire une amie plutôt qu’ennemie, de belles
paroles. Que j’y pense depuis que je pense.
Elle m’a dit ne pas être étonnée que j’ai pensé au suicide.
Elle m’a demandé pourquoi je ne vais pas à la
messe et j’ai dit que Dieu pour moi ne se montre
pas en collectivité ni en un temps précis, ni en
un lieu aussi rigide que l’église.
Mais enfin, en me promenant l’après-midi, trois
heures de marche, c’est surtout l’absence de Dieu
que je perçois chaque jour, avec désarroi. La foi
est perdue pour moi, en suis-je nostalgique ?
En tout cas, la fadeur ne me quitte pas. Cette nuit
ai fait un mauvais rêve, assez morbide.
L’après-midi, j’ai voulu reprendre la discussion du
matin avec Madame de N. mais elle n’avait déjà
plus les mêmes dispositions. Elle a voulu quérir des
cigarettes, le 15 août, et pour la première fois m’a
emmenée en voiture jusqu’à Puits de Bon. Elle roule
au milieu, de quoi craindre l’accident. Je lui ai
dit de se rabattre à droite. Elle s’agaçait. Soudain,
elle a dit : « Oh ! regardez, un cerf ! » Et celui-ci
rouge dans la terre rouge portait une très belle
ramure, il courait gueule ouverte comme si nous
étions à un safari, nous sur la route. La couleur
de mon sac est la couleur de ce cerf.
J’espère que madame acceptera la proposition d’une
de ses voisines de nous emmener à Pontigny dimanche
voir le concert de Jordi et Montserrat, puisqu’elle a
aussi réservé. Le tout est de présenter l’offre de manière
à ce que Madame de N. ne se sente pas diminuée,
ni remise en cause dans sa capacité à conduire.
À notre retour j’ai fait un thé et elle m’a parlé de
la mort de son frère Loïc qui s’est produite en avril 2006
dans la même semaine que son mari François. Elle
a eu les larmes aux yeux. Son frère Loïc, elle l’a
aimé plus que quiconque.
J’ai écouté. Le soir, elle m’a posé des questions sur
mes vidéos-films. J’ai réfléchis tout haut pour lui
expliquer ma manière de prendre, recevoir
sans diriger. Pour filmer il faut un désir violent
de capturer du réel. Il faut ce désir indiscret.
L’indiscrétion discrète est peut-être ma manière.
Cela je le pense et l’écris maintenant avec vous qui le lisez.
J’avais parlé du « banquet frugal » à « mon » psychanalyste
Paul Fuchs, rue de Seine, en 2002. Une « scène » reprise
dans Licorne 31, où seule la lumière sur les objets d’une
table dressée est à manger. J’ai l’impression d’être encore
attablée à ce banquet de lumière mais je n’ai même pas
envie de goûter. Et si j’écris qu’un martin pêcheur
bleu surnaturel vient de filer au-dessus du Serein
je n’en éprouve pas la beauté, un fait sans émoi.
C’est stupide : je sais que c’est beau tout autour de
moi mais il me semble que rien ne me touche.
Que tout pleure en moi en silence invisiblement.
Qu’il y a un écran entre moi, ce moi intérieur
en repli et le reste simple et beau, multiple dans
les lumières, les éclaircies et le vent. Je suis coupée
de l’extérieur et mon plexus solaire est affaibli.
Le pare-excitation dysfonctionne. Ai très envie de
dormir et vais quitter la Baignade puisque
d’autres cyclistes s’y aventurent. »


EXTRAIT DE LA LETTRE à Pascal Q. du 25 août 2007 :

« Suis allée en Églars et ai filmé. Un ou deux nouveaux exspectatio, dont une toile d’araignée : je ne dis rien en nommant ainsi ce qui fut métamorphose de la lumière sur un mince écran de fils, un voile devant les reflets d’eau. Comme sur quelques centimètres carré la caméra, la chambre du regard se laisse impressionner, la durée ne se mesure plus avec le temps usuel, autre chose est investi, la répétition est affectée, la couleur varie insensiblement, insensiblement j’écris le passage de la caméra-regard. Tension dans le passage,
mon balayage. Quelque chose est en jeu. Enjeux d’atteindre
ce qui recule quand je l’approche. »






NOTES du sa. 10 novembre 2007 :

« Hier, Porte 34 a vu naître le montage de « Consolatio ».
Durant le mois d’août dernier, j’ai été Dame de compagnie, Auxiliaire de vie auprès d’une personne âgée, en Bourgogne. Pour les 2-3 heures de pause quotidiennes, j’enfourchai le vélo tous terrains et retrouvais, 20 minutes plus tard, le lieu merveilleux qui fut mon refuge, mon aire de repli. En Églars, est son nom, au bord du Serein. Des îlots sur cette rivière aux nombreuses courbes, les pierres d’une bâtisse en ruine, qui fut un moulin. Les racines déjointent les pierres, font doucement s’écrouler les murs. De ce lieu resté ensauvagé j’ai voulu rendre compte ; mon lien à ce lieu. Comme sentir ma taille, me mesurer à celle du grand chardon, le « cabaret des oiseaux » dont on ne peut faire le tour pour le filmer sans se prendre les pieds dans des trous, s’emmêler les jambes aux végétaux follets.
Filmer, c’est comme lire « Les Confessions » de Saint Augustin :
les aveux fautifs, les hésitations, les repentirs, les obstacles sont dépeints dans ses récits avant de parvenir à l’harmonie et au plaisir (pour Augustin, à la Foi, à la Grâce divine : à la prière qui est un poème).
L’image se cherche elle-même, je la montre se cherchant ;
elle se trouve.
De petits chaos en révélation photographique.
Caméra à la main, débusquer les grâces de l’optique cachées dans les lieux. Le lieu étant un ensemble comprenant les bruits, les lumières, la durée etc…, le tout s’ajustant au fur et à mesure des métamorphoses.
J’observe et enregistre ces métamorphoses.
Je donne à voir ce que j’ai contemplé.
Prendre le temps de la perception c’est accéder à du micro-perceptible. »



Ce qui pourtant donne aussi comme je l’approche. Une autre séquence semble donner un ciel romantique quand il s’agit de l’eau. Les herbes semblent la découpe d’un relief. Je fais de la photo-
graphie ; simplement le mouvement et la durée sont introduits,
mais comme en photographie c’est la lumière qui conduit mes images, c’est elle que je suis, elle me dicte, me susurre doucement, comme on recopie des lettres et des mots sans encore les compren-
dre, petit, sur les lignes d’un cahier. Une capture souple qui peut durer longtemps. Sauf que je ne recopie rien, qu’il n’y a pas de ligne, pas de rail, pas de cadre pré-établi, pas de règles définies.
Pas de cahier. J’invente les repères de l’image en filmant, elle s’auto-nomme. Je la suis. Je cesse de filmer quand mon regard décroche, si plus rien ne bouscule la lecture, si elle ronronne
et ne s’invente plus.
Sur les 55 minutes prises peut-être 15 sont de réels “exspectatio“.
Lettres érotiques : films érotiques (filmages, séquences). Zones érogènes : écrire, filmer. Les exspectatio sont des zones érogènes dont je découvre l’existence en filmant ce grand corps du lieu excitant. Ce fut “La Sourdaie“ de mon père. Et là en Églars à Noyers. C’est-à-dire un coin sauvage avec ses îles, une aisselle du Serein
(la rivière).
Voilà à quoi s’occupe ma chasteté. »




EXTRAIT de « Abîmes » de Pascal Quignard, CH XXXVIII Praesentia,
p. 119 :

« Le temps comme dimensio est le deuxième temps comme distensio. Le temps devient ce lien continue qui permet d’unir des événements ou des objets que la distension a désunis ou que le langage a divisés puis opposés.
Le temps comme liant répond à la frustration biologique dans la vie atmosphérique. Il s’acquiert comme une distance plus ou moins calculable entre le besoin ou le désir et la récompense ou la jouissance. Capere veut dire prendre. Ceptio ou capture plus vaste pour ce prédateur imitateur de prédateurs qu’est l’homme. La per-ception puise dans la déception de ce qu’elle vise à l’aide de l’anti-cipation. Il s’agit toujours d’une prise, d’une main qui tient, qui aggrippe, qui serre, qui retient. Il s’agit toujours d’une main-tenance. »



24-25 sept 2007
NOTES :

« Paysage à l’échelle des orties. L’eau devient un ciel orageux ou dans le mouvement tourmenté d’un coucher de soleil. Romantisme.
Se mesurer aux plantes. Je lis Saint Augustin.








Le pétale tournant sur lui-même : « Éloge de l’ombre » de Junichiro Tanizaki.



Les chardons blancs. Cette séquence entre en correspondances avec des poèmes de Saint Jean de la Croix. Et la peinture à l'huile et tempera sur panneau 51 x 38 cm « Saint Jérôme pénitent » de Piero della Francesca (Berlin, Staatliche Museen, Gemäldegalerie), parce que le paysage est une rivière dans laquelle se reflètent les troncs des arbres. Le paysage de ma séquence : le rang des peupliers indiquent la bordure de la rivière, le Serein. À cause aussi de la monotonie de la lumière : le côté ingrat de la lumière, sans relief, pâle, uniforme.
En filmant je me sentais privée de la lumière consolatrice. Ce qui fait que j’ai cherché autre chose dans l’image : la présence du paysage en relation avec la plante. »




EXSPECTATIO

Premier volet
34 min. _Sept. 2007
coul. _mini-dv







Quand je filme je cherche à être captive du lieu que je découvre. Il y a une tension du Voir. Mon regard pris dans la toile, le vent secoue le voile tissé de la bête invisible, l'araignée tapie dans limage, cachée en elle, prête à surgir. Filmer cest l'araignée cachée qui me prend au piège. Je ne puis men défaire. Je tisse avec elle la durée, le mouvement : l'image. Oui, cela va vers la mort tout en n'en finissant pas d'advenir. Il y a quelque chose comme ça, en métamorphose.
































Di. 23 septembre 2007
Notes

« En filmant les mûres je pense à Dürer, des détails de ses peintures, des herbes peintes à l’huile.
Je filme avec mon corps. »














Extrait de la lettre du mercredi 25 juillet 2007,
à Pascal Quignard :

« J’ai filmé aujourd’hui en pensant à Actéon, à Klossowski « Le bain de Diane », à vous à cause du mûrier, ces mûres noires que j’ai mangées hier dans ma promenade et dont j’ai fait des images aujourd’hui. J’ai pensé au « Roncier » de Hervé Rabot un photographe-artiste qui durant des années, l’hiver, en février,
à l’aveugle, l’appareil photo devant lui se glissait dans une haie en Creuse. Ces photos sont magnifiques, vous plairaient. Moi, elles m’ont soumises immédiatement. (…) Je lui ai dit qu’il devrait vous lire. Le sexe et l’effroi.
Les images d’aujourd’hui (il est déjà 23h12) sont parfois de petits "augmentum".




Une est un chardon qui se balance sur fond noir devant un brin d’avoine dorée et un mirage passe, vous savez un rafale. Il y a la base d’Avord près de Bourges et j’ai toujours connu ce déchirement insupportable du ciel par ces monstres en métal. Quand les nerfs sont fragiles ce bruit déglingue tout dedans soi. Mais pour l’image il est un événement que je n’espérais pas et qui est venu. Peut-être le cri d’Actéon. Car le chardon me fait penser à Actéon.
J’ai traversé comme un tunnel, un sentier en sous-bois, ai filmé la marche, je trouve qu’on y est bien, enveloppé. Et aussi une flaque dans la mi-pénombre, il y a du noir et des lueurs à sa surface, jusqu’aux reflets du ciel. Toutes les images que je garderai aujourd’hui comprennent du noir. D’abord une libellule que l’on croirait sur une montagne, une pierre de montagne, son aile transparente, l’abdomen bleu, un bleu inimaginable à exprimer et le noir à sa gauche. L’insecte est actif et moi je le filme et quand il disparaît subitement comme aspiré, puis il revient à sa place. Je filme. C’est comme lire. Je reste immobile et il se passe plein de choses dans mon cerveau. Et dans le cœur que je devrais moins négliger. »